Petite, je n’aimais pas le printemps. Tout ce qu’aimaient les autres était indigne de moi – je caricature à peine. Telle était la forme de ma bêtise (bêtise de première de la classe que la vie effrayait) ; à chacun la sienne. Heureusement, ce n’était pas irrémédiable.

Ayant reçu la chance de vivre, qui n’est pas donnée à tous, m’étant non sans douleur réincarnée deux fois (certains appellent cela grandir, mais l’idée d’une continuité entre l’enfance et ce qui la suit me paraît méconnaître la différence essentielle entre ces deux ordres de vie), ayant surtout atteint un âge où je suis enfin capable de comprendre, et ne suis pas loin d’approuver, jusqu’au désir le plus servile de survivre et de croître, je peux le dire : j’aime le printemps.

J’ai pour cela les mêmes raisons que tout le monde, parmi lesquelles comptent le fait d’être un animal (c’est-à-dire haranguée aux cinq sens par la saison nouvelle : tiens, c’est donc à moi, ce corps?) et la possibilité de synthétiser davantage de vitamine D.

Si, dans le vieux combat entre la beauté et l’amour, la forme et le fond, je sais désormais ce qui doit l’emporter, je n’en demeure pas moins le jouet d’un instinct qui me porte à me laisser éblouir par ce qui brille ; ce que fait le printemps avec une force que même ma mauvaise foi ne peut contrer.

Et puis il y a, nouvellement éveillée, une sensibilité au végétal qui semble s’approfondir bien plus rapidement que ne se développent mes connaissances en matière de botanique.

Et encore, ceci :

2017-03-20 13.27.32
Matcha

2017-03-20 13.30.20

Un sakuramochi (de chez Toraya, évoqué dans ce billet du début de mon blog).

Je dirai seulement que pour goûter à nouveau ce wagashi, j’ai attendu neuf ans (exil britannique, et caetera). Ma mémoire, pourtant spécialiste de l’engloutissement général, n’a pas réussi à soustraire au champ de mon désir ce petit gâteau enveloppé d’une feuille de cerisier salée. Ohanami en une bouchée.

P.S. : Merci à ma petite sœur de m’avoir invitée ! 🙂

6 thoughts on “Printemps

  1. La chute est charmante parce qu’inattendue : on s’élève, on s’élève dans la globalité et la conscience du grand tout… et l’on finit dans la gourmandise…

    Mais justement, nous sommes ainsi faits.

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  2. Délice de la pâtisserie japonaise. Elle est si jolie. On dirait un jardin. Mais alors tu es revenue vivre en France ? En lisant l’autre article, en lien, je partageais ton impression : la vie hors de Paris semble une parenthèse. À la fois irréelle et plus vraie. Tu y décris parfaitement le souvenir que laisse cette ville.

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    1. Hahaha, je n’ai pas ce genre de moyens (du tout) ! 🙂 Au prix du timbre, cela dit, pour un gros manuscrit, ca ne serait peut-être pas idiot. 🙂 C’est vrai que j’aurais dû mettre à jour ma page de présentation.

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