Aujourd’hui, mon blog a quatre ans. Par un de ces hasards qui sourient comme une coïncidence, le ciel était beau ce soir : un effrangement d’or dans le bleu, le pressentiment d’un nuage de plénitude gonflant plus loin ses joues derrière un immeuble parlaient du solstice à venir. Adolescente, je donnais à cette période de l’année le nom de papillons des Cyclades ; la lumière de la Grèce chevauchait celle de l’été et venait déchirer ma grisaille – une coupure nette et sensible, reconnaissable entre toutes, amorce d’extase. En moi tout se déployait, tout se lissait.

Je suis heureuse de tenir ce blog, tout bric-à-brac qu’il soit, hésitant entre la réflexion, la confidence, le journal et la littérature, mêlant les riens à l’essentiel sans chercher à réduire celui-ci à ceux-là. Un chemin s’y trace par lequel je m’efforce d’arriver à demain.

Né d’une suggestion de mon mari (“Why don’t you write a gardening blog ?”) et fruit de mon petit jardin, il a porté des fruits à son tour. Une amie qui avait fermé ses cahiers s’est remise à écrire des poèmes. A sa suite, j’ai sauté le pas et osé m’y essayer. Poésie et jardinage sont à mes yeux une parallèle mise en relation au monde, une forme profonde et obscure de prière. Leur pratique m’offre (enfin) le moyen d’habiter à la fois corps et monde, et de m’y tenir d’une façon à entrevoir un sens, peut-être même un destin.

Et puis un roman est venu. Qui sait s’il trouvera des lecteurs ? Le bonheur que j’ai eu à l’écrire est de ceux qui ne s’oublient pas – il est en moi comme un galet, comme une aile, comme la voile prise par le vent et le cri de l’amour. Mes personnages courent encore dans mes veines.

Jusqu’au début de cette année, peu de lecteurs passaient par ici qui ne me connaissaient déjà dans la “vraie vie”. J’ai longtemps écrit comme en silence, avec l’impression d’avancer au large sans boussole ni astrolabe, dans l’invérifiable croyance que les étoiles ne chantent que loin de tout déchiffrement, et pourtant tenue du besoin d’expliciter leur signe.

L’écriture du roman a considérablement ralenti le rythme de publication sur ce blog. La rencontre de quelques blogueurs venus à la suite d’Aldor lui a redonné un souffle, et je les en remercie.

26 thoughts on “Quatre ans

          1. Les grandes questions existentielles classiques :
            – un blog, pour écrire quoi ? – écrire, pour qui ?
            – écrire, plutôt sur un blog, ou un site ou directement un éditeur (naïf que je suis 🙂 )
            – et si personne ne vient lire ?
            – et si plein de gens viennent et n’aiment pas et le disent ?
            – et si je ne sais plus quoi écrire (cette question là reviendra souvent) ?
            – et si j’écris mal ?
            – et si G*ll*m*rd veut m’éditer ?
            – et si j’allais faire un tour pour me changer les idées /lire un livre/ faire des courses / faire à manger / qu’est-ce que j’aimerai manger ce soir ? …
            – et si M*rc L*v* (ou V*ct*r H*g*, ou G*st*v* Fl**b*rt…) me pique mes idées et fait un best-seller avec ?

            et puis un jour de novembre sombre et froid, sans vraie raison, je me suis lancé et je ne me pose plus ces questions (sauf la 5e, bien sûr ; celle-là, je ne me la poserais plus le jour ou j’arrêterais d’écrire, pas avant)

            Liked by 2 people

            1. Hahahaha !!! Je me suis également posé la première moitié de la première question (version morale : de quel droit, pour quel but, et quid du fait que je ne sais rien faire sinon raconter ma vie, tare ô combien exaspérante) et la huitième. 🙂
              En fin de compte, le plaisir d’écrire les fait toutes taire, non ?
              Sur la troisième question, je pense que tu peux être rassuré ! 🙂 Et puis même si personne ne vient lire, la potentialité d’être lu fait venir des choses intéressantes.
              A propos de G*ll*m*rd et consorts, as-tu tenté de leur envoyer des textes ?

              Liked by 2 people

              1. tu as raison, le plaisir d’écrire les fait toutes taire ; finalement, l’égoïsme bien compris est un moteur efficace (je ne sais pas ce qu’en dirait la morale… )
                sur la première moitié de la première question, j’ai oublié de mentionner l’à-quoi-bon, puisque “tout a déjà été dit et beaucoup mieux que je ne le ferais”
                pour G* et cie, non, je n’ose pas, et je me cache derrière l’idée que je préfère les textes courts et que ce genre est injustement méprisé en France
                (mais je progresse, j’envoie tout à l’heure mon premier texte pour un concours de nouvelles….)
                J’ai lu que tu as écrit un roman, encore inédit si j’ai bien compris. est-ce qu’un lecteur bénévole et paresseux pourrait le lire ?

                Liked by 1 person

                1. L’égoïsme bien compris, exactement, mais aussi la conscience que nous ne sommes pas grand chose. Qu’importe au monde que nous écrivions ou pas, au fond ? Alors, pourquoi ne pas se faire plaisir ?
                  Joséphine mentionnait aussi ce rejet étrange des textes courts par les éditeurs, et cela alors qu’ils publient des tas de nouvelles écrites par des Américains (par exemple).
                  Si tu as envie de lire mon roman, je veux bien te l’envoyer, aurais-tu une adresse email ?

                  Liked by 1 person

                  1. tu as raison, la conscience de notre petitesse (enfin, de ma petitesse et de ta modestie) est un atout libérateur 🙂 pour ce qui est du succès des nouvelles américaines, je me demande s’il n’est pas du au fait que les éditeurs français les achètent à des éditeurs américains : elles ont déjà été publié et ont donc un éclat de prestige et de “vendable” ; pas comme les nôtres, inconnues donc invendables 🙂
                    un mail : carnetsparesseux@yahoo.fr

                    Liked by 1 person

                    1. Pour les nouvelles américaines, oui, tu as raison bien sûr, c’est une moindre prise de risque.
                      Pour la modestie, tu me flattes, je suis sûre que tu me dépasses d’une bonne tête au moins. 😉

                      Liked by 1 person

                2. Aussi, c’est intéressant : tes questions montrent que tu as d’emblée abordé l’écriture dans la perspective d’un travail littéraire. Pour moi, c’était bien moins clair.

                  Liked by 1 person

                  1. Travail littéraire, je ne sais pas. Fictionnel, peut-être plus.
                    mais il parait que je me laisse voir en filigrane à travers mes personnages..; (hum… des cailloux impavides, des loups végétariens, des poules jalouses… et on me verrait à travers ? vraiment ? :))

                    Liked by 1 person

                    1. au contraire, je suis totalement transparent, à la limite de l’invisibilité ; ça permet à “mes” personnages de prendre plus de place, et tout le monde et content !
                      et je suis persuadé que les allusions sont d’abord dans l’oeil du lecteur – au moins une bonne part d’entre elles.

                      Liked by 1 person

                    2. Dans l’un comme dans l’autre cas, tu t’échappes élégamment. Le rapport avec les personnages, sujet passionnant qui mérite (au moins) un article. J’aimerais te voir t’y coller, mais je sais que tu as bien d’autres choses à écrire.

                      Liked by 1 person

                    3. C’est un très beau sujet, mais je ne saurais qu’en dire : je suis très mauvais théoricien. Je ne comprends, je ne découvre ce que j’écris qu’à la relecture… et parfois encore plus tard (oulà, comme cela sent la pose artistique façon “je ne suis qu’un médium entre mon art et mes lecteurs”, vivement Télérama !) ;
                      en vrai, mon rapport aux personnages est très simple : respect et bienveillance (sans eux, je n’aurais pas l’occasion de lire ce qu’ils me font écrire) avec une goutte d’ironie et de moquerie quand même (pour éviter la bibliothèque rose).
                      Voilà, je suis au bout de ma copie !

                      Liked by 1 person

                    4. 😀 Mauvais théoricien, et moi donc ! C’est Joséphine qu’il nous faudrait. Cette “pose artistique” dont tu parles, on a beau rire, elle n’est pas démentie par l’expérience… C’est peut-être la façon d’en parler qui peut prêter au ridicule, si on oublie de tenter de serrer la vérité et qu’on bascule dans la représentation. Pas plus que toi, je ne sais vraiment ce qui se passe quand j’écris.
                      Tu parles de simplicité, mais quand même… D’où / de qui viennent-ils, pourquoi eux, est-ce qu’ils se présentent à toi “tout faits” ou bien est-ce que tu les pétris avec une idée en tête, etc. Je ne veux pas t’imposer de continuer à commenter ici, ce sont simplement des questions qui me viennent à l’esprit en te lisant. Bref… Encore un post de blog à écrire (pour moi plus que pour les potentiels lecteurs, on l’aura compris), alors que j’essaie de bloguer moins pour me sortir d’une impasse dans une autre tentative romanesque ! 🙂

                      Liked by 1 person

Leave a comment