Si j’étais toi
Je noierais le souci de mon nom
Dans les eaux d’un torrent
Et l’y laisserais là.
En attendant ce jour
En toute frontière considère l’horizon :
La promesse enivrante et l’appel à franchir
Chaque sommet livré à l’emprise du ciel
A l’arbre de l’hiver emprunte ses chemins
Nus et déterminés. A l’arbre de l’hiver
Emprunte la patience comme l’impatience
La sûre gestation de la résurrection
Ne crois pas plus en ta passion
Qu’en aucune autre éclosion
Mais ne lamente pas l’opacité de ton esprit :
Celui qui écrivait
Sans penser je possède et la Terre et le Ciel
Son âme aura parlé que tu puisses te taire
Aiguise enfin ton âme à chercher sans relâche
Une éternelle gloire
Dans ce grain de poussière
Pour l’Agenda Ironique de janvier, hébergé sur le blog Grain de Sable, chez Victor Hugotte. La consigne n’est pas tout à fait respectée : le nombre des conseils s’est limité à sept. J’ai une excuse : c’est mon chiffre favori. Le vers cité est du merveilleux Fernando Pessoa, et voici le poème en son entier.
XXXIV
Je trouve si naturel que l’on ne pense pas
que parfois je me mets à rire tout seul,
je ne sais trop de quoi, mais c’est de quelque chose
ayant rapport avec le fait qu’il y a des gens qui pensent…
Et mon mur, que peut-il bien penser de mon ombre ?
Je me le demande parfois, jusqu’à ce que je m’avise
que je me pose des questions…
Alors je me déplais et j’éprouve de la gêne
comme si je m’avisais de mon existence avec un pied gourd…
Qu’est-ce que ceci peut bien penser de cela ?
Rien ne pense rien.
La terre aurait-elle conscience des pierres et des plantes qu’elle porte ?
S’il en est ainsi, eh bien, soit !
Que m’importe, à moi ?
Si je pensais à ces choses,
je cesserais de voir les arbres et les plantes
et je cesserais de voir la Terre,
pour ne voir que mes propres pensées…
Je m’attristerais et je resterais dans le noir.
Mais ainsi, sans penser, je possède et la Terre et le Ciel.
Fernando Pessoa
Le Gardeur de troupeaux et les autres poèmes d’Alberto Caeiro, Gallimard, p.86
Traduction d’Armand Guibert
Oui, c’est bien ce que l’étoile a dit. Je comprends ce langage qui me parle par ses images. Quel joli blog, contente de vous rencontrer.
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Merci pour ce premier agenda de 2018 ! Ravie de vous rencontrer aussi ! 🙂
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Cet article est un double cadeau !
Vous lire est toujours une joie et quand vous y associez l’immense Pessoa, eh bien, je ne trouve pas de mots pour dire mon ressenti…
Merci Frog.
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Merci beaucoup de votre lecture, Andrea ! Je me suis acheté Le Gardeur de troupeaux pour Noël et ose à peine y plonger tant chaque poème me secoue.
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Comme je vous comprends !
“L’effet” Pessoa est tellement puissant que l’on en sort bouleversé, ébranlé.
Avez-vous lu Le Livre de l’intranquilité ?
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Seulement des extraits, mais il fait partie de mes cadeaux de Noël à moi-même ! 🙂
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C’est tellement sympa de se faire des cadeaux !
Lorsque vous écrivez, à propos du Gardeur de troupeaux… “j’ose à peine y plonger”, c’est exactement ce que j’ai ressenti en découvrant Le Livre de l’intranquilité.
A chaque page, j’étais irradiée ! Parfois, il me fallait suspendre ma lecture…
Tiens, vous me donnez l’idée de citer à nouveau Pessoa dans mon prochain billet (si vous m’y autorisez…).
🙂
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Irradiée : exactement. Ce creux dans la poitrine, ce poids dans le ventre, n’est-ce pas ? Ces rencontres de lecture, pas si fréquentes, où l’on se dit qu’on peut mourir tranquille, que le coup de lance dans le flanc a été porté, qu’on aurait certainement été amoureux (tu parles), et tout cela. 🙂 Je serai très heureuse de retrouver Pessoa dans votre prochain billet ! 🙂
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C’est tout à fait cela.
Après Pessoa et Proust, je peux mourir tranquille !
😉
Je m’en vais trouver un passage, un “message” de notre ami commun pour mon prochain billet !
Il a fait l’objet de deux invitations déjà.
https://epaisseursansconsistance.com/2017/05/26/fernando-pessoa-1888-1935/
https://epaisseursansconsistance.com/2017/09/06/fernando-pessoa-2/
PS : mon chiffre préféré est également le 7 !
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Oui, j’avais lu ces beaux extraits sur votre blog ! 🙂
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C’est toujours un moment particulier que celui de venir te lire… la beauté subjugue…
Oui c’est cela. Tes mots subjuguent.
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Oh… Merci beaucoup Laurence ! Les précédents agendas étaient trop difficiles pour moi, je suis contente de pouvoir participer cette fois. 🙂
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Coi, je passe et je reviendrai. Frog et Pessoa d’une même lecture. Coi.
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Merci Carnets ! Mais les dodo coassent-ils donc eux aussi ? Je les aurais crus plus portés au croassement, à force de fréquenter certain magnifique corvidé ! 🙂
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le dodo coasse, cocasse, croasse, cracoucasse à l’envi ! babel des bêtes, privilège des bestioles disparues 🙂
et j’en profite pour rejouer au jeu des milles poèmes dans le poème :
Si j’étais toi
En attendant ce jour
“A l’arbre de l’hiver emprunte ses chemins
Ne crois pas plus en ta passion”
Celui qui écrivait
Aiguise enfin ton âme à chercher sans relâche.
🙂
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🙂
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Bon jour,
“Si j’étais toi / Je noierais le souci de mon nom … / ” C’est beau et à la fois redoutable et puis cei : “Ne crois pas plus en ta passion / Qu’en aucune autre éclosion / Mais ne lamente pas l’opacité de ton esprit” qui est a double tranchant.
Un texte très authentique.
Max-Louis
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Merci Max-Louis !
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Je me doutais que ce sujet t’inspirerait, pour plusieurs raisons. Dans le torrent de tes vers, je vois ton nom qui s’efface au profit des arbres et de la poussière – sacrés. Un poème empreint d’une lumière qui t’appartient et nous éclaire. Merci ❤
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Merci à toi Clémentine ! Comment savais-tu que je participerais ? La simplicité de la consigne m’a donné envie. Je n’arrive décidément pas à jouer avec les mots et à leur faire épouser des consignes complexes. 🙂
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Alors, j’imaginais, intuitivement que cette consigne était effectivement suffisamment ouverte pour qu’elle te plaise, et puis il y avait les vers et la présence de la deuxième personne que tu affectionnes en poésie. Bref, je ne suis pas déçue, tes vers sont magnifiques.
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Lumineuse, ce mot te va si bien. Je ressors de la lecture de chacun de tes textes avec quelque chose qui tient du soleil ou de la chaleur dans le coeur. C’est comme une irradiation 🙂
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Merci beaucoup, Esther… Moi je sors des tiens impressionnée de la précision de ton regard sur des sentiments que j’éprouve parfois aussi, sans savoir les distinguer suffisamment. Et puis quand tu parles des choses vivantes, ou des enfants, c’est toujours très beau. L’enfance est souvent présente dans tes textes.
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haha, je me souviens d’une de mes étudiantes qui m’avait un jour dit : ” Ce qui est bien avec vous, madame, c’est que vous êtes une adulte mais que vous n’êtes pas finie.” Dont acte 🙂
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Haha, comme c’est joli ! 😊
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🙂
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Je retrouve Pessoa dont nous parlions tout à l’heure sur votre blog anthologique, votre poème me touche comme une leçon de sagesse antique.
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Merci ! 🙂
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