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Le blog Les Narines des Crayons mentionne aujourd’hui deux recueils poétiques de mon amie Chloé Landriot, Un Récit et Vingt-Sept Degrés d’Amour.

J’ai écrit ici mon admiration pour le premier, et voulais attendre que la poire soit mûre pour toucher un mot du second. Suffit : l’automne mûrissant plus vite que ses fruits, je renonce à remettre à un lendemain plus propice l’écriture de ce billet. Mes talents de critique littéraire laissent à désirer et risquent de desservir le remarquable texte de Chloé. Je me contenterai donc de dire que ce recueil contient des poèmes dont le centre de gravité est l’amour dans la multiple déclinaison de ses visages : amitié – et je suis plus touchée que je ne puis dire d’apparaître dans certains de ces poèmes -, amour, mariage dans ses élans et son sable, maternité. Et la langue, bien sûr, le lien des paroles et du silence.

Incapable de critique littéraire, je puis au moins tenter de cerner ma lecture personnelle. Autant la poésie de la nature chez Chloé (voir Un Récit) m’est familière et comme cousine, formule révélatrice d’un monde très proche de celui qui me porte, où les arbres diffusent la lumière et font axes entre les univers, autant son écriture de l’amour et particulièrement du couple me fascine par la différence qu’elle révèle dans nos expériences, notre rapport à l’autre et à la mise en mots de l’amour. Est-ce à dire que cette distance – cet exotisme – ferait obstacle à l’attouchement intime dont l’embrasement donne sens à la lecture d’un poème ? Non. Absolument pas. Et là est pour moi le miracle : que l’amour ainsi dit soit à la fois irrémédiablement étranger et resplendissant de vérité. Chacun peut lire la poésie comme il l’entend, pour passer le temps ou alléger le poids des jours, soigner, orner, bercer, jouer, réjouir, que sais-je encore. Pour moi, la pierre de touche est dans l’éclat de vérité qui, s’il peut jaillir de sources insoupçonnées, ne se contrefait pas. Aussi multiple qu’inaltérable, c’est lui que je cherche en poésie, et que je trouve dans maints poèmes de Chloé.

Deux poèmes.

Nous portons nos histoires
Engrammées dans la chair
Glissant sur des miroirs factices
Implorant des regards par où nous reconnaître
Et parfois
Dans le brouillard des mots
Ayant risqué nos récits comme au jeu
Nous avons cru à la réponse.

Nous servons des fantômes.

Nous négocions dans notre corps
Avec tout le passé
La place du présent

Et l’autre
Que nous cherchons dans ses paroles
Nous ne le trouvons jamais
Car les mots sont la peau seulement
Les mots la peau de l’âme –
Je sens ma peau de l’intérieur
Et j’imagine
Ce que tu sens quand je te touche
Voilà ce qu’est parler.

Mais rien ne garantit que nous nous comprenions.

S’il y a quelque part un unisson des cœurs
Il est à notre insu dans le silence seul
Dans le silence où chacun se dépouille
Et dans le vide.

Le rideau bat à peine à la fenêtre ouverte
Il est le voile gris sur le jardin des choses
Et les cris des enfants parviennent au travers
Amers comme des larmes

Pourtant l’amour est là
Indéfectible
Il a creusé la vie du sel de ses blessures
Il fait encor le pas au-delà de tes forces
Il ne s’arrête pas là où tu crois.

Le fil de ton regard est ma ligne de vie
Il rouvre à l’horizon de ses reflets dorés
Le secret que ma main partage avec la tienne
Serrée
Et quatre amandes claires.


Vingt-Sept Degrés d’Amour est publié aux éditions Le Citron Gare, créées par Patrice Maltaverne (qui dirige la revue de poésie Traction-Brabant). Ce recueil est illustré par les soins de Chloé et de Joëlle Pardanaud, sa mère, dont la main a pris sa science à l’écorce des arbres. Achetez-le…

10 thoughts on “Degrés d’amour

  1. Merci pour cet article. J’ai tellement aimé le premier recueil que je compte en traduire un fragment en italien pour me le rendre encore plus intime et inoubliable. Je ne manquerai pas celui-ci.
    Quant à la vérité, je suis entièrement d’accord. En poésie comme en prose, d’ailleurs. La fausseté est une profanation des mots, qui leur fait perdre tout pouvoir.

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    1. 😊 Amitié à part, son écriture vaut vraiment qu’on s’y plonge et s’y attarde. Rien d’emberlificoté, pas de fioriture, un propos à la fois lumineux et riche.

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  2. Ma Quyên ! Je suis très touchée. Je ne sais que dire, à part que je suis pleine de gratitude envers cette aventure de l’écriture qui nous embarque l’une et l’autre, et nous permet de nous parler encore, au-delà de nos ressemblances bien connues, au-delà de nos différences aussi, comme tu le dis.
    Je suis touchée aussi que Joséphine veuille me traduire : même si je ne parle pas Italien, j’aimerais beaucoup pouvoir lire – et surtout entendre – ce que cela donnerait !

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  3. Belle trouvaille que ce “brouillard des mots” – de même que cette “peau de l’âme” – l’idée que les mots dissimulent plus qu’ils ne révèlent, que peut-être aussi ils nous protègent des agressions extérieures.

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    1. Oui. Une amie a été comme vous frappée de cette “peau de l’âme”, mais je crois qu’elle l’a comprise à l’inverse, comme un vecteur de contact qui révèle. J’aime beaucoup l’idée de “risquer nos récits comme au jeu”. Merci de votre lecture !

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