Inconnaissante
comme le vide au cœur du bois
qui ne se peuple que sous l’archet
j’appartiens au hasard des rencontres
ma conscience n’est que de recevoir
à chaque pas dans la ville et sur les chemins creux
l’étoilement de l’arbre
le signe de l’oiseau
l’autorité de l’herbe
ô perfections de formes
et d’ondes
et je dirai sans honte
que tel est leur destin
de faire le mien
que tel est mon appel
de vivre d’elles
et l’on rira de moi
ébauche d’existence
en les proclamant libres
n’ayant de compte à rendre
à la terre ni au ciel
à l’amont ni à l’aval
sans commune mesure à mon insignifiance
oui l’on rira de moi
mais on n’y sera pas
car leur liberté est d’acquiescer
présentes pour le monde
la source dans le fleuve
le merle dans le fruit
et du platane de passage
l’écorce en mon extase
et rien ne nous sépare
ni conscience ni préséance
somme de langage ni de science
ni vie d’esprit ou de matière
non rien ne nous sépare
ni mon mutisme ni leur chant
ni leur silence ni mon cri
ni par-delà nos apparentes morts
d’une saison ou pour de bon
nos ordres d’éternité
l’amour nous tient ensemble
comme sur la harpe
de l’incarnation
les cordes d’un même instant
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